Qu'est-ce que le quasi-usufruit
9/10/20244 min read


Définition :
On parle de quasi-usufruit en cas de démembrement de propriété sur une somme d'argent. Ce démembrement peut provenir d'un acte volontaire (donation) ou dans la majorité des cas en cas de succession en présence d'un conjoint survivant.
Lexique :
Nu-propriétaire : le nu-propriétaire est le "propriétaire en puissance", il exercera ces droits en tant que plein propriétaire à l'extinction de l'usufruit.
L'usufruitier : il s'agit de la personne qui possède un droit d'usage sur les biens et qui récolte les fruits (dividendes, loyer, etc.) du bien. Son droit peut être à durée déterminée ou viager. Il faut noter que même si c'est rare, il peut céder son usufruit (à titre gratuit ou onéreux), si le droit est viager, le nouvel usufruitier dispose d'un droit viager qui s'éteint au décès de l'usufruitier initial.
Comment fonctionne concrètement un quasi-usufruit :
En raison de l'objet particulier qu'est la somme d'argent, il n'y a pas d'obligation pour l'usufruitier de conserver la somme. Dans un démembrement classique, le nu-propriétaire a droit à la restitution du bien objet du démembrement.
Dans le quasi-usufruit, le nu-propriétaire ne dispose que d'une créance (appelé créance de restitution), il a droit à la restitution de la somme d'argent. Si celle-ci n'existe plus dans le patrimoine de l'usufruitier, comme toute créance, le nu-propriétaire peut alors se voir attribuer un autre bien.
Stratégie autour du quasi-usufruit :
Il a été conseillé pendant un certain temps de procéder à une donation de la nue-propriété de somme d'argent. L'intérêt fiscal est double :
Premièrement, l'assiette prise en compte pour calculer les droits de donation ne prend en compte que la valeur de la nue-propriété, celle-ci est calculée en fonction du barème de l'article 669 du CGI. Ainsi, une personne de 75 ans, pouvait "donner" la nue-propriété d'une somme de 140 000 € (donc 98 000 € pour la nue-propriété) à chacun de ses enfants et utiliser l'abattement de 100 000 €. A l'extinction de l'usufruit, ici à son décès, ses enfants pourraient avoir 140 000 € sans payer de droits (l'extinction de l'usufruit n'engendre pas de droits de mutation (article 1133 du CGI).
Deuxièmement, l'utilisation de l'abattement de 100 000 € permet de faire courir le délai du rappel fiscal. Concrètement, dans l'exemple précédent, si la personne décède 15 ans après la donation, l'abattement peut de nouveau s'appliquer et ses enfants peuvent donc bénéficier de nouveau de l'abattement de 100 000 €. Ainsi, à son décès, les enfants pourraient demander 240 000 €, exonérés de droits.
Les contraintes étaient très faibles dans la mesure où il suffisait d'avoir effectivement les liquidités sur ses comptes (les assurances-vie semblent prises en compte). Les fonds pour mettre en place ce type de stratégie étaient simplement les frais de notaire, donc 1% de la somme transmise.
Vous avez probablement noté que je parle au passé. Ce type de stratégie n'est en effet plus conseillé pour une raison simple, la loi de finance 2024 (article 774 bis du CGI) prévoit la règle suivante :
"I.-Ne sont pas déductibles de l'actif successoral les dettes de restitution exigibles qui portent sur une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit.
Le présent I ne s'applique ni aux dettes de restitution contractées sur le prix de cession d'un bien dont le défunt s'était réservé l'usufruit, sous réserve qu'il soit justifié que ces dettes n'ont pas été contractées dans un objectif principalement fiscal, ni aux usufruits qui résultent de l'application des articles 757 ou 1094-1 du code civil. [...]"
Concrètement toute forme de donation de nue-propriété de somme d'argent est maintenant fiscalement neutralisé. Il faut noter que cette règle s'applique pour les successions ouvertes depuis le 29 décembre 2023. Ce n'est donc pas la date de la donation qui compte, mais bien la date du décès.
Comme rectifier une donation antérieure ?
Une solution envisageable est la renonciation à usufruit, mais cela signifie non seulement de transmettre des sommes d'argent aux donataires. En cas de modification de la valeur de l'usufruit (voir l'article 669 du CGI) l'opération peut rester fiscalement intéressante.
Une autre solution serait peut-être de reporter le démembrement sur un autre bien qu'une somme d'argent, donc de réinvestir la somme d'argent sur un bien immobilier ou des actions et spécifier explicitement dans l'acte d'acquisition, que c'est la somme démembrée qui permet l'achat de ce bien. Mais cette solution ne semble pas certaine.
Convention de quasi-usufruit :
La convention de quasi-usufruit est l'acte par lequel on vient consolider les droits du nu-propriétaire. Celle-ci permet d'avoir un titre permettant de prouver l'existence de cette créance. De plus, même si cela dépend de la pratique des études notariales, il est possible d'inscrire cette convention sur le fichier central des dispositions de dernières volontés, ainsi un notaire français ne pourra pas passer à côté de cette convention. Ce type de convention peut être pratiqué dans le cadre d'une succession.
De plus, il existe un intérêt fiscal à cette convention. Il est possible d'indexer la créance de restitution à certains indices. Ainsi, la créance de restitution sera recalculée à la hausse lors de l'extinction de l'usufruit, le montant qui pourra être déduit sera donc supérieur à la créance initiale.
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